suite
Quatre mois s'écoulèrent pour qu'il comprenne enfin que l'espoir d'éventuelles retrouvailles se noyait dans l'océan du désespoir. Le malheureux ne se décida à abandonner sa maison pour quelques heures seulement lorsque revint l'hiver.
Se nourissant difficilement, il considérait que sa vie ne valait plus rien. Une brusque réaction l'envahit : désormais, il souhaitait quitter cet endroit. N'ayant trouvé aucun moyen de se donner la mort, il ne disposait plus que de cette solution.
Pierre imagina une idée totalement folle dénuée de raison. « Réfléchis-tu ? », lui aurait répondu sa femme. Oui, il réfléchissait. Sinon, comment serait-il parvenu à faire flotter une étendue de briques sur de l'eau ? Son envie consistait à aménager sa « demeure » sur un socle qui pourrait parcourir les océans, comme un radeau habitable. Il avait choisi des briques, afin d'éviter de lui rappeler les atroces souffrances endurées dans les carrières. Quand bien même, il n'avait pas besoin de pierres pour lui remémorer sa précédente vie, heureuse comme ne l'aurait jamais été une autre.
Même ouvrier, il avait toujours lu et appris, à sa façon, les sciences. Certes seul, mais efficacement, puisqu'en plaçant quelques vieux meubles sur la surface qu'il voulait habiter, l'ensemble ne coulait pas. Il pouvait aisément « domestiquer la mer », car le littoral se situait à proximité de sa maison, la vraie !
Alors, ces travaux lui permirent enfin d'embarquer définitivement dans sa nouvelle « demeure ». Peut-être mon épopée me conduira aux miens que je désire tant ? Non, il devait s'ôter cette idée de sa tête : sa famille était morte et lui, seul survivant, ne les reverra point. C'était la vie. Hélas.
Il s'habitua tôt aux nouvelles conditions qu'il s'était créees. Au fur et à mesure qu'il s'éloignait des côtes, les vagues tumultueuses agitaient le sol sur lequel il se déplaçait. Il fut même obligé de modifier le plan répartissant le mobilier. En effet, son inquiétude d'une tempête s'emplifiait, et la réelle menace de l'arrivée de celle-ci le terrifiait, de peur de tout perdre. Il se retrouverait véritablement naufragé. Il n'avait aucunement prévu cette situation : l'éviter paraissait indispensable. C'est pourquoi il éprouvait des difficultés pour s'endormir.